Une nouvelle vague d’austérité dans les universités
En janvier, le Sénat a voté une baisse du budget de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) de plus de 630 millions d’euros dans un contexte où les universités souffrent déjà d’une sous-dotation dramatique, malgré le milliard promis lors du passage en force, fin 2020, de la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) dont les universités n’ont pas vu la couleur. De fait, la sous-dotation structurelle des universités est un projet politique que la LRU a permis de réaliser et qui se poursuit avec des universités exsangues : 80% des universités sont actuellement en déficit !
Une situation catastrophique et opaque à Nantes Université
Nantes Université n’échappe pas à ce triste sort avec un budget en déficit pour la troisième année consécutive, qui fait peser sur elle la menace d’une mise sous tutelle du Rectorat. Pour l’année 2024, son déficit s’élève à 15,9 millions d’euros provenant :
- Pour 6,8 millions de mesures nationales obligatoires, mais partiellement voire pas du tout compensées par l’État (valorisation du point d’indice, contribution de l’employeur aux mutuelles, forfait mobilité, etc.) ;
- Pour 9,1 millions d’euros d’un « déficit lié à l’activité de l’établissement ainsi qu’à sa sous-dotation », sans que les personnels ne sachent ce que cela recouvre.
Or, sur cette seconde part, il est demandé à tous les laboratoires et composantes ainsi qu’à tous les services de l’université, déjà respectivement amputés de 10% et 20% de leurs budgets en 2024, de décider de mesures d’économies supplémentaires à hauteur de 4,6 millions d’euros, soit 1,5 millions pour 2025 et 3,1 millions pour 2026. Cette demande est irrecevable dans un contexte où les personnels ne sont pas responsables de ce déficit et où la présidence de Nantes Université, qui se targue pourtant d’une gestion « transparente », ne leur a pas présenté un état précis sur la situation financière de l’établissement. Par exemple :
- Qu’en est-il des 7 millions de créances non recouvrées par l’établissement ? De longue date déjà, nos syndicats ont alerté sur les difficultés chroniques (sous-effectifs, manque de moyens) des services financiers et comptables.
- Qu’en est-il de la multiplication des dépenses engagées pour des prestations de cabinets de conseils ? Malgré les demandes pressantes des syndicats en instance : aucun chiffre n’a jamais été fourni.
- Combien coûte le service ResearchGate qui, à l’exemple de Booking.com, ne fait qu’aspirer des données disponibles sur Internet – en l’occurrence sur les sources de financements de la recherche – pour simplement les revendre aux universités ? Dans le même temps, Nantes Université a résilié certains de ses abonnements à des revues scientifiques…
Confrontés à ces demandes, les personnels de Nantes Université se sont réunis mardi 11 février 2025 en assemblée générale pour délibérer sur la situation et sur la position à tenir, qui apparaît très claire : refuser de sacrifier leur santé et leurs conditions de travail déjà dégradées en réponse à un projet politique explicite de casse du service public.
« Ne négocions pas les chaînes qui devraient nous emprisonner demain ! »
C’est sur ces mots que s’ouvre la motion votée par les personnels en réponse au message du 28 janvier de la présidente de Nantes Université à tout l’établissement. Celui-ci annonce « s’engager donc avec rigueur et détermination dans la construction d’un plan d’économies à hauteur de 4,6 millions d’euros ». Parmi les actions prévues : « un travail collectif d’identification des économies possibles » doit être transmis d’ici le 21 février 2025 « afin de construire le budget rectificatif demandé par l’État ». Or, précise la motion, « une grande partie de nos difficultés budgétaires est liée :
- aux dépenses imposées par l’État et non compensées dans notre budget (par exemple, les mesures Guérini), à cause de la LRU,
- et aussi à un budget d'austérité qui diminue toujours plus les moyens de tous les services publics et qui affecte nos conditions de travail, alors que le Crédit Impôts Recherche, versé aux entreprises sans contrepartie, coûte 8 milliards au budget de l'État. »
Les personnels poursuivent : « Nous ne sommes pas responsables de cette situation. Depuis des années nous subissons des politiques de l’État qui ne finance pas à la hauteur nécessaire l'ESR, ni pour faire notre travail de façon décente, ni pour nos salaires. Nous, enseignant·es-chercheur·euses et personnels BIATSS, refusons de dire quelles économies sont possibles, nous travaillons déjà dans des conditions très dégradées qui affectent notre santé et nos vies. Nous demandons à tous les personnels de ne pas remonter les informations demandées : le MESR nous met dans une situation inacceptable, qu'il trouve donc les solutions lui-même ! »
En conséquence, les personnels :
- Demandent à la Présidence de présenter les détails du budget de l'établissement et de notre situation financière à tous les personnels et aux étudiantes ;
- Appellent les collègues qui le peuvent à se rassembler jeudi 13 février aux alentours de 10h sur le parvis du Tertre avec les étudiantes dans le cadre d’une journée d'action nationale couverte par le droit de grève ;
- Rappellent qu’ils s’opposent aux décisions imposées par la présidence de fermetures administratives des bâtiments et campus universitaires, devenues systématiques lors des journées de mobilisation étudiante ;
- Invitent les collègues à se réunir de nouveau en AG de personnels jeudi 13 février de 12h à 14hpour s’organiser en vue de construire une mobilisation massive sur la date nationale d’actions du 27 février.