Communiqué de presse intersyndical diffusé le 4 avril 2024 (SUD éducation, CGT, FSU, FO, CFDT)
La presse en parle : lire l'article de Presse Océan.
Des alertes inaudibles sur une méthode de gestion illégale
Le 30 mars 2023, nos syndicats interpellaient la Présidente et la directrice des ressources humaines de Nantes Université sur l’absence de base réglementaire justifiant la pratique de décompte des jours de grève en vigueur dans l’établissement. En sus du retrait légal d’un trentième du traitement mensuel, le service des enseignant·es n’est en effet pas entièrement réputé fait comme le prévoit pourtant la circulaire ministérielle n°2018-081 du 7 mai 2018 disposant des règles en matière de grève. Comment cela est-il possible ? Par l’application arbitraire, aux jours de grève, d’une méthode dite « proportionnelle » de calcul des heures de service prévue exclusivement pour les congés légaux par la circulaire n°2012-0157 du 30 avril 2012. Celle-ci pose d’ailleurs des conditions très restrictives à l’usage de cette méthode : appliquée au cas par cas, elle ne doit pas désavantager les agent·es par rapport à la méthode usuelle du tableau de service individuel fondé sur les heures réelles. En réponse aux recours individuels envoyés par des enseignant·es en juillet 2023, l’administration maintenait, fin août, la position défendue par la Présidente de Nantes Université dans son courrier du 13 avril 2023. Face à ces fins de non-recevoir, nos organisations syndicales ont rédigé, avec l’appui d’un avocat spécialisé, un recours gracieux demandant l’abrogation de la pratique, incontestablement illégale, en cours. Envoyée le 1er décembre 20231, cette requête n’a pas reçu de réponse sous le délai des deux mois légalement impartis à réception ; un silence valant comme un refus qui ne laisse plus d’autre alternative, après d’infructueuses interpellations en instances, que l’ouverture d’un contentieux.
Comment Nantes Université décompte les jours de grève exactement ?
Par l’application arbitraire de la méthode dite « proportionnelle », l’administration décompte le même nombre d’heures à un enseignant n’ayant par exemple aucune heure de cours le jour où il a fait grève comme à une enseignante qui en avait 6. Dans ces conditions, le premier enseignant gréviste se trouve gratifié de 1,09 (s’il est enseignant-chercheur) ou de 2,18 heures (s’il relève d’une autre catégorie d’enseignant) sur son service annuel alors même que ces heures n’étaient pas prévues à son emploi du temps. L’université rémunère ainsi irrégulière-ment des heures d’enseignement qui n’ont pas été dispensées et ne le seront pas puisqu’elles n’existaient pas sur le tableau de service individuel de l’enseignant. Pour sa part, la seconde enseignante gréviste se voit maintenir (selon son statut) 4,91 ou 3,82 heures d’enseignement dans son service alors même que, non faites au motif de la grève, elles ne lui ont pas été rémunérées par suite de la retenue d’un trentième appliquée sur son traitement mensuel. Cette inégalité de traitement est illégale et porte atteinte au libre exercice du droit de grève.
Une multiplication inquiétante des illégalités à Nantes Université
Non contente d’entraver un droit constitutionnel par une pratique administrative unilatérale dépourvue de fondement légal, l’administration de Nantes Université applique aussi, suite à une délibération du Conseil d’administration (n°2018-06-29-11), de façon exclusive la méthode « proportionnelle » pour décompter des jours de congé maladie ordinaire sur les services des enseignant·es sous prétexte de simplifier les procédures. Un recours gracieux envoyé le 7 février 2024 sollicite l’abrogation de ladite décision car elle s’avère, elle aussi, entachée d’illégalité. De telles pratiques inquiètent d’autant plus les syndicats qu’elles font écho à des condamnations déjà prononcées pour manquements aux réglementations en vigueur de la part de Nantes Université, qu’il s’agisse d’une atteinte aux libertés académiques (décision n°451523 du 15 novembre 2022 du Conseil d’État), d’irrégularités dans une commission de recrutement (décision n°459205 du 13 octobre 2023 du Conseil d’État), de licenciement abusif (décision n°22NT01568 du 19 décembre 2023 de la Cour administrative d’appel de Nantes) ou d’atteinte au droit de grève (décision n°22NT03862 du 12 mars 2024 de la Cour administrative d’appel de Nantes). Ces quelques exemples nous semblent signaler l’état exsangue dans lequel se trouve l’institution à tous les étages de sa hiérarchie dans un contexte où la médecine du travail a déjà alerté sur les troubles (au-delà des risques) psycho-sociaux affectant plus largement les personnels de l’université.
Derrière l’ouverture d’un contentieux, une interpellation de fond
L’administration n’ayant pas répondu dans le délai imparti des deux mois à réception, le 4 décembre 2023, du recours relatif à sa pratique de décompte des jours de grève, une audience a été sollicitée dans les plus brefs délais, mais sans succès, les rendez-vous proposés étant repoussés. En conséquence, nos syndicats engagent ce jour un contentieux auprès du Tribunal administratif de Nantes en vue de faire abroger la pratique en cours car elle relève d’un acte administratif unilatéral (sans fondement réglementaire ni légal) de nature discriminatoire (à la source d’inégalités de traitement). Nous interpellons, par la même occasion, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le ministre de la Transformation et de la Fonction publique ainsi que la chancelière des universités afin qu’elles et ils enjoignent à Nantes Université d’abroger l’application exclusive et illégale de la méthode « proportionnelle » pour le décompte des jours grève comme des jours de congé maladie ordinaire. Nous alertons, enfin, la maire de Nantes et le 1er Vice-Président de Nantes Métropole, les élu·es de la commission en charge de l’enseignement supérieur de la région, les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale ainsi que les sénateurs de la commission de la culture au sujet de la sous-dotation dramatique de Nantes Université qui favorise, selon nous, des pratiques administratives irrégulières aux effets inacceptables sur les conditions de travail, la santé et les droits des personnels.
1 Pour consulter l’intégralité du recours gracieux du 1er décembre 2023 (reçu le 4 décembre) demandant l’abrogation de la pratique de décompte des jours de grève en vigueur, cliquer sur ce lien : https://depot.kaz.bzh/f.php?h=3512mzRM (mot de passe : Recours_Grève_1déc23, téléchargeable jusqu’au 24 avril 2024).
2 Pour consulter l’intégralité du recours gracieux du 7 février 2024 (reçu le 9 février) demandant l’abrogation de la décision du Conseil d’administration de Nantes Université sur le décompte des jours de congé maladie ordinaire, cliquer sur ce lien : https://depot.kaz.bzh/f.php?h=0aAdrpzq (mot de passe : Recours_Maladie_9fév24, téléchargeable jusqu’au 24 avril 2024).