Déclaration liminaire de SUD éducation Pays de la Loire
CAPA du mardi 26 mars 2024 portant sur les recours PPCR
Madame la Rectrice de l'Académie de Nantes, Mesdames et Messieurs les commissaires paritaires, Mesdames et Messieurs les membres de l’autorité académique,
Une semaine après le mouvement de grève dans la fonction publique pour revendiquer entre autres une revalorisation salariale à la hauteur des attentes des personnels, nous allons ce jour permettre à quelques unes et quelques uns de progresser plus favorablement dans leurs carrières selon des critères souvent bien discutables. De nombreux et nombreuses collègues sont dépité-es, déçu-es par leurs rendez vous de carrière qui s'apparentent bien souvent à une inspection où seule l'heure de cours observée compte. La carrière de l'enseignant.e dans sa globalité est effleurée le plus souvent.
SUD éducation dénonce le leurre d’une revalorisation salariale espérée par toutes et tous. Le PPCR, via les rendez-vous de carrière, divise les personnels par leur mise en concurrence, alors que nous exerçons toutes et tous le même métier dans des conditions de plus en plus difficiles. Il renforce le pouvoir de la hiérarchie car une évolution de carrière plus rapide repose sur l’avis des inspecteurs, inspectrices et des chef·fes d’établissement, introduisant de facto un arbitraire hiérarchique. Il accentue les discriminations hommes-femmes et les discriminations validistes car il favorise celles et ceux qui peuvent accroître leur charge de travail par des missions supplémentaires. Enseigner ne suffit plus. Ce type d’évaluation introduit des critères qui correspondent aux méthodes de gestion libérales dont nous pensons qu’elles n’ont rien à faire dans le service public ; ce système cherche en effet à pallier l’absence de revalorisation salariale, notamment en fin de carrière, par un avancement au mérite.
Et ce n’est pas le « Pacte » qui arrange la situation en matière de revalorisation salariale. En effet, il s’agit d’une prime et non d’une augmentation de salaire, prime dont seraient seuls bénéficiaires les personnels ayant accepté d’exercer un bouquet de missions supplémentaires !
Pour SUD éducation, ce système est scandaleux. Tout d’abord, il dégrade encore un peu plus les conditions de travail, dans un contexte où le temps de travail et les missions demandées aux enseignant·es explosent, au lieu de reconnaître les missions déjà exercées. Ensuite il renforce l’autorité des chef·fes d’établissement, et divise les équipes, par une concurrence des collègues pour l’obtention du « Pacte ». Enfin il renforce les inégalités femmes/hommes, ainsi que celles entre les personnels handicapés et les personnels valides.
Nous revendiquons donc :
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L’égalité salariale et une augmentation générale des salaires – sans contrepartie ;
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Une évaluation des pratiques enseignantes basée sur la coopération et purement formative, déconnectée de l’évolution des rémunérations ;
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Une réduction du temps de service permettant concertation et échanges pédagogiques, plutôt qu’une mise en concurrence des collègues et des disciplines.
Parallèlement, nous souhaitons dénoncer le manque de moyens qui a pour effet des DHG contraintes, des suppressions de postes, des effectifs par classe pléthoriques. Les DHG sont arrivées dans les établissements et nous ne pouvons que constater à nouveau le manque de moyens qui contraint les ouvertures de classe à 30 élèves (ou 35 au lycée). Ces barres d'ouvertures ne présentent aucun intérêt pédagogique et relèvent d'une logique purement économique. Le taux d'heures supplémentaires est en constante augmentation au niveau départemental, académique et national. Le H/E des établissements est très disparate et génère, par des effets de seuil, des conditions d'enseignement plus difficiles dans certains établissements, ce qui a de facto des conséquences sur la réussite des élèves aux examens. La publication du classement des établissements en est le bien triste reflet.
Face à ces constats alarmants, nous revendiquons :
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La baisse conséquente des effectifs dans les classes ;
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Une augmentation des heures postes permettant la mise en place de projets, de demi-groupes et de co-animations au service des apprentissages des élèves ;
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Le recrutement de professeur-es titulaires afin de permettre aux élèves de bénéficier de l'ensemble des heures qui leurs sont dues ;
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Plus largement, l’ouverture massive de postes de fonctionnaires dans tous les corps de métier de l’Éducation nationale (CPE et personnels médico-sociaux notamment) et la création d'un vrai statut de la fonction publique pour les AED et les AESH.
L'ensemble des enfants, quels que soient leurs besoins et leurs difficultés, doivent avoir accès à la scolarisation, avec les accompagnements nécessaires à l'équité. C'est tout l'enjeu de l'école inclusive, portée par le ministère. Pourtant, dans les faits, cela reste un mot vide de sens, comme en témoignent ces quelques chiffres : 95% des AESH sont des femmes, le salaire moyen est de 850€ net/mois, avec des temps partiels imposés et des mutualisations qui les amènent à suivre jusqu'à 7 élèves différent-es.
Par ailleurs, en Loire-Atlantique ce sont 460 enfants notifié-es qui n'ont pas d'accompagnement à l'heure actuelle. À la question du handicap s'ajoutent celles de l'allophonie et du décrochage scolaire, pour lesquels les dispositifs d'accueil sont loin d'être suffisants, alors même que le nombre d'élèves à besoins ne cesse d'augmenter.
Nous revendiquons donc :
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Un vrai statut de la fonction publique pour les AESH, en reconnaissance de leur métier, de leurs compétences et des missions qui leurs sont affectées, avec une équivalence temps plein. En cohérence avec ce statut, les AESH doivent également avoir accès à une formation initiale et continue de qualité ;
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Un recrutement massif d'AESH, pour répondre aux besoins des élèves, sans mutualisation forcée et hors de la logique néfaste des PIAL ;
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Des formations conjointes enseignant·e·s et AESH et des temps de concertations institutionnalisés dans le temps de service ;
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L'application de la loi concernant les demandes MDPH, c'est-à-dire la prise en charge par le DASEN de ces demandes lorsque les parents ne le font pas ;
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La création d'un pôle de remplacement AESH ;
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L'augmentation des places en instituts spécialisés ;
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L'augmentation des dispositifs UPE2A et le recrutement massif de personnels formés à l'accueil et la scolarisation des élèves allophones.
Car des moyens il y en a, notamment pour la militarisation de l'école. La mise en place du SNU (service national universel) et de l'uniforme représente 5 milliards d'euros par an. Avec cette somme, on pourrait recruter cent-trente mille enseignant·es pour un an et avec la moitié, on pourrait augmenter tou·tes les AED et AESH de 800 euros par mois. Il s'agit d'argent gaspillé et déconnecté des besoins réels des personnels et des élèves sur le terrain.
Le SNU n'est rien d'autre qu'une opération de soumission de la jeunesse : il s’agit d’inculquer un esprit d’obéissance aux règles, un respect absolu des normes… Règles et normes qui, pour la plupart, ne visent qu’à perpétuer les inégalités et injustices inhérentes à l’organisation actuelle de la société. Cette volonté de soumission passe aussi par un contrôle renforcé, notamment à travers la mise en fiches de tou·tes les jeunes de 16 à 25 ans ; dans quelles mains pourrait finir ce fichier ?
Soumission également, dans l’imposition d'un uniforme qui, sous couvert de lutte contre le harcèlement, perçoit les différences comme des problèmes au lieu d'y voir les richesses de notre jeunesse. Croire qu'il suffit de cacher les difficultés du vivre ensemble pour les régler, est au mieux illusoire, au pire autoritaire : le vivre ensemble s'apprend et ne s'impose pas.
Soumission encore, car en dehors des dispositifs institutionnels, l'engagement des jeunes n'est pas reconnu. Pourtant ils et elles n'ont pas attendu l'État pour s'engager et faire vivre leur citoyenneté. Les jeunes s'engagent déjà contre les discriminations (racistes, sexistes, validistes, xénophobes…). Les jeunes s'engagent dans les luttes écologistes, dans la défense de leur droit à étudier, pour le partage des richesses ou encore le droit au logement.
Nous revendiquons donc :
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L'abrogation du SNU ;
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L'abandon de l'uniforme à l'école.
Aujourd'hui, les mesures « Choc des savoirs » dessinent les contours d’un projet d’École conservateur et passéiste néfaste pour l’École publique, les élèves et les personnels. Nous dénonçons les fondements de cette politique au détriment des élèves les plus fragiles et socialement défavorisé·es. Nous nous opposons à ce plan qui :
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trie scolairement et socialement les élèves en organisant les cours de mathématiques et de français en groupes de niveau, ce qui va immanquablement accentuer les inégalités ;
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remet en cause le droit égal d’accès à la poursuite d’étude pour tous les élèves, principe fondateur de l’École publique, en conditionnant l’accès direct au lycée à l'obtention du diplôme national du brevet, avec la mise en place de classes prépa-seconde au lieu de fournir tous les moyens nécessaires pour la réussite des élèves ;
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désorganise les collèges par la réorientation de l’utilisation de la marge, accentuant encore les inégalités, la détérioration des emplois du temps et la réduction ou la suppression d’enseignements disciplinaires, de dédoublements ou d’options ;
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dégrade considérablement les conditions de travail par la grande insuffisance des postes et la surcharge des classes ;
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remet en cause la liberté pédagogique avec des méthodes et des progressions communes imposées ;
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dépossède les enseignant·es de leur expertise professionnelle, notamment par l’imposition d’évaluations nationales standardisées à tous les niveaux ;
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altère la confiance en soi et augmente le mal-être de certain-es élèves, alors même que de nombreuses études alertent déjà sur la souffrance des élèves et que l'efficacité des groupes de niveau pour progresser n'est pas prouvée ;
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met à mal le principe du collège unique, avec le risque de la suppression des arts plastiques, de l'éducation musicale ou même des cours de langue pour les élèves les plus en difficulté au collège.
Nous revendiquons :
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la garantie de la liberté pédagogique des enseignant-es, associée à des concertations entre équipes incluses dans le temps de travail ;
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la fin du tri social, avec des groupes-classe hétérogènes, l’abandon de la réforme des lycées professionnels, l’abandon de Parcoursup, la nationalisation des établissements privés et de vraies politiques de mixité sociale.
C'est une école publique égalitaire, inclusive et émancipatrice, à l'écoute des besoins des personnels et des élèves, et qui se dote de moyens suffisants pour instruire et éduquer, que nous défendons à SUD éducation. Il est temps qu'un véritable plan d'urgence voie le jour dans l'Éducation nationale.