Coupes budgétaires dans l’ESR. « Du fric pour les services publics ! »

A l’occasion de la réunion du 11 mars 2025 du Conseil national de l’enseignement supérieur de la recherche (CNESR) portant sur le budget de l’enseignement supérieur de la recherche (ESR), une nouvelle fois en berne, les personnels des universités se sont mobilisés un peu partout en France. A Nantes, personnels et étudiant.es se sont rassemblés à 12h30 devant le Rectorat de l’Académie de Nantes avec banderoles et pancartes pour manifester leur refus des coupes budgétaires prévues dans l’ESR et des mesures d’économie imposées aux personnels à Nantes Université.

Alors que les annulations de crédits concernant la « Mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur » (MIRES) s’élevaient déjà à 1,1 milliards d’euros en 2024, le budget voté par la représentation nationale en 2025 est à nouveau réduit de 929 millions d’euros soit 1,5 milliards d’euros en considérant l’inflation [1] ! Les programmes touchés par cette nouvelle réduction budgétaire concernent la vie étudiante comme la recherche, avec « moins 77 millions d’euros pour la vie étudiante, moins 33 millions d’euros pour les recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, moins 91 millions d’euros pour la recherche spatiale, moins 540 millions d’euros pour la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable, etc. » [2].

80% des universités françaises sont aujourd’hui en déficit et Nantes Université n’échappe pas à la règle. Menacé de mise sous tutelle par le Rectorat en raison de ses 15,9 millions d’euros de déficit, l’établissement demande à ses personnels de trouver 4,6 millions d’euros d’économies sur les deux ans à venir, alors que les services, les composantes et les laboratoires avaient déjà dû renoncer à 20% ou 10% de leurs budgets [3].

Sur son site, le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche se félicite « d’une progression » de « 200 millions d’euros » pour le « financement d’État aux universités et aux écoles » [4]. Cette annonce n’est qu’une illusion ! Comme le relève l’intersyndicale appelant à une vaste mobilisation, cette hausse ne « compense qu’à moitié l’augmentation des charges financières contraintes (hausse des cotisations employeurs pour les retraites, mesures Guerini ou liées à la LPR) » et ne permet pas « d’enrayer la crise financière des établissements » comme le nôtre et cela, quelles que soient les mesures d’économies qui seraient consenties par les personnels.

De l’argent pourtant, il y en a, et les propositions ne manquent pas pour sortir de cette impasse ! Le montant qui fait aujourd’hui défaut aux universités publiques, environ 8 milliards d’euros, correspond à peu près au montant du Crédit impôt recherche alloué sans contrôle à des entreprises privées. Les chercheurs et les chercheuses doivent quant à eux rendre des comptes en permanence sur leur activité et répondre à des appels à projets fléchés tendant à restreindre toujours plus la liberté de la recherche.

La sous-dotation des universités publiques relève d’une attaque en règle des services publics ! Si elle n’a pour l’instant pas pris la tournure horrifiante qui frappe la communauté universitaire aux États-Unis [5], elle n’est pas moins présente dans le contexte français. Rappelons en effet que Patrick Hetzel (Les Républicains), après avoir été à l’initiative d’une proposition (finalement avortée) de création d’une commission d’enquête sur « l’entrisme idéologique » et les « dérives islamo-gauchistes » dans l’enseignement supérieur en avril 2024, a été nommé ministre de l’ESR sous le gouvernement Barnier (de septembre à décembre 2024) et que 38 députés du Rassemblement National ont pris le relais sous la houlette de Lionel Tivoli en octobre 2024 en demandant, à leur tour, la création d’une commission d’enquête sur l’« infiltration des idéologies contraires aux valeurs de la République dans l’enseignement supérieur », notamment les « idéologies intersectionnelles ».

À l’heure où l’extrême-droite et ses idées sont toujours plus présentes dans la sphère publique, la défense des moyens donnés à nos universités et de nos libertés académiques doit plus que jamais être une priorité !

 

[1] Voir les billets de RogueESR à ce sujet : https://rogueesr.fr/?s=budget+d%27aust%C3%A9rit%C3%A9

[2] Pour lire la communication complète de l’intersyndicale :  https://www.sudeducation.org/communiques/communique-intersyndical-esr-mobilisation-massive-le-11-mars/

[3] Pour plus de détails, voir le communiqué de presse sur SUD éducation 44 : https://www.sudeducation44.org/mobilisation-a-nantes-universite-face-au-deficit-et-au-budget-dausterite/

[4] Pour accéder au communiqué de presse complet du ministère : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/projet-de-loi-de-finances-2025-le-budget-preserve-la-recherche-et-accompagne-les-universites-98411

[5] Voir notre publication du 7 mars 2025 dans le cadre de la mobilisation Stand up for Science France : https://www.sudeducation44.org/stand-up-for-science-sauvegarder-les-libertes-academiques/