Communiqué de la section de Nantes Université de SUD éducation 44
Les mois d’avril et de mai correspondent à la session synchronisée de recrutement par concours des Enseignants-Chercheurs (EC), au cours de laquelle se déroulent les Comités de Sélections (CoS) qui procèdent aux opérations de recrutements (sélections, auditions, classements) de façon souveraine. Le conseil d’administration de l’établissement valide ensuite le classement. Les EC, en tant que des fonctionnaires d’État, sont donc recrutés dans le cadre d’opérations de concours décentralisées et placées sous la responsabilité des établissements-employeurs. Cette responsabilité confère d’importants devoirs à notre employeur ainsi qu’aux collègues EC qui participent au processus de recrutement, qui doivent veiller à ce que le déroulement des concours au sein des composantes et des laboratoires de recherche soit collégial, transparent et indépendant. Or tel n’est pas toujours le cas !
La définition des profils des postes mis au concours doit être discutée dans des assemblées générales de composantes et de laboratoires, et pas seulement dans leurs instances électives voire par quelques Professeur·es en position de pouvoir comme cela arrive parfois. Ces assemblées doivent être ouvertes à l’ensemble des enseignant·es et des enseignant·es-chercheur·es titulaires, indépendamment de leur corps d’appartenance. Cela signifie que – sauf conflits d’intérêts – les Maîtres de conférences doivent par exemple être associés à la définition des profils de postes de Professeur·es, ce qui est loin d’être systématiquement le cas dans l’établissement. La définition de ces profils de poste est censée par ailleurs intégrer de manière équilibrée les attentes des composantes et celles des laboratoires.
La composition des CoS devrait également être établie sur la base d’échanges ouverts entre collègues dans des assemblées générales de composantes et de laboratoires et non en catimini et hors de toute instance de décision collégiale. Quand plusieurs postes sont ouverts au concours dans une composante la même année, un·e même collègue ne devrait pas siéger dans plusieurs CoS de manière à éviter la concentration des pouvoirs entre les mains d’un petit groupe de personnes. Dans le même objectif, cette quête de collégialité devrait aussi être appréciée sur plusieurs années successives. Une fois choisis, les membres « internes » du CoS siègent certes en leur qualité de « spécialistes », mais ils représentent plus largement le reste des collègues de leur composante.
La question des conflits d’intérêts doit également être l’objet d’une attention accrue de la part de l’employeur, garant du déroulement du concours. Si l’université envoie aux membres des CoS une « déclaration individuelle d’impartialité en vue de la participation à un comité de sélection » afin de permettre aux collègues qui y siègent « d’analyser la nature des liens éventuels [qu’ils pourraient] avoir avec les candidates et les candidats dans une démarche d’auto-évaluation », l’employeur doit renforcer sa vigilance sur ce point, au risque de voir des concours annulés suite à des recours juridiques, comme cela a récemment été le cas (décision n°459205 du 13 octobre 2023 du Conseil d’État) avec des conséquences dramatiques pour les collègues concerné·es. L’ensemble des membres des CoS, et pas seulement leurs président·es, devrait être formé à l’appréciation des situations de conflits d’intérêts, d’autant que ceux-ci peuvent également se manifester lors de la tenue du CoS. Rappelons à ce titre que les expertises internes comme externes sont indépendantes et qu’une présidence de CoS ne peut en aucun cas faire pression sur l’évaluation établie par ses pairs. Pour un retour réflexif sur les postures en CoS, nous nous permettons de signaler cette (trop) rare ressource : https://academia.hypotheses.org/3665 et https://academia.hypotheses.org/3758.
Enfin, la transparence dans les processus de recrutement devrait être renforcée. Nantes université s’enorgueillit régulièrement de disposer du label « HRS4R (Human Resources Strategy for Researchers) et s'engage à améliorer les pratiques en matière de recrutement et conditions de travail pour ses personnels ». Nous invitons donc notre employeur à soutenir publiquement les démarches de « Wiki-auditions » qui existent dans plusieurs disciplines (mathématiques, histoire, sociologie, science politique, philosophie, géographie...), et qui sont d’ores et déjà soutenues par des sections du CNU. Ce travail collaboratif de centralisation nationale des compositions des CoS et des dates des auditions permet d’éviter les chevauchements de dates sur des profils voisins et donc des choix cornéliens pour les candidat·es dans un contexte de pénurie de postes. Il assure également la publicisation des listes des candidat·es auditionné·es puis classé·es. Or trop souvent, des services RH d’établissements font pression de manière illégale sur les membres des CoS pour leur interdire ces remontées d’information. Cette pratique est pourtant légale et ne constitue pas un motif d'annulation du concours comme l’ont rappelé des analyses juridiques de spécialistes de droit public (http://www.qsf.fr/2012/01/18/la-diffusion-des-resultats-des-deliberations-dun-comite-de-selection-est-elle-legale-par-fabrice-melleray/).
Dans un contexte d’austérité de l’emploi public et de sacrifice d’une génération de jeunes chercheur·es face à la crise de l’emploi scientifique, nous appelons Nantes Université à faire preuve d’exemplarité dans son contrôle du bon déroulement des CoS et à défendre les emplois pérennes face à l’État. Alors qu’une note du collectif « Nos services publics » reprise dans Le Monde du 11 avril 2024 pointe que les « vacataires sont désormais majoritaires au sein des personnels enseignants dans les universités », nous rappelons que dans notre établissement, ce sont 1 405 postes d’enseignant·es-chercheur·es qui manquent pour éponger les 269 810 heures supplémentaires et de vacations effectuées cette année d’après les chiffres du rapport social unique…