Attaques diffamatoires, Blanquer alimente le soupçon
Dans son édition du 12 novembre, Le Figaro Magazine attaque violemment les enseignant·e·s dans un dossier intitulé "Comment on endoctrine nos enfants. Antiracisme, idéologie LGTB+, décolonialisme... enquête sur une dérive bien organisée." Promouvant sous couvert de républicanisme une idéologie d'extrême-droite, les journalistes du Figaro Magazine dénoncent en somme la propension des personnels de l'Éducation Nationale à défendre auprès des élèves la diversité, le respect de la différence et de l’autre.
Pourtant, l'inclusivité fait partie des missions inhérentes à la fonction d’enseignant·e. Face à cette violente diatribe qui n’a pas manqué de provoquer des réactions indignées dans nos établissements, et ce quelle que soit l’orientation politique affichée ou non, le silence de notre ministre a d'abord lourdement posé question. Puis, interrogé au Sénat par Mme Rossignol, M. Blanquer, tout en reconnaissant l'importance de la lutte pour "l'égalité, la liberté, la fraternité", donne du crédit aux accusations du Figaro en affirmant qu'il "est exact que notre société est traversée par des courants venus de l'extérieur et ceux-ci ont de l'influence dans certains cercles. Et ce n'est pas sans influence sur ce qui se passe dans l'école. Ce serait une erreur de ne pas le voir".
Alors que son rôle devrait être de défendre ses personnels dans l’exercice de leurs missions, ainsi que leur intégrité, M. Blanquer ne dénonce donc pas ces diffamations. Les enseignant·e·s sont accusé·e·s d’une forme de complotisme car il s’agirait d’une « dérive organisée », et ainsi livré·e·s en pâture à la vindicte de celles et ceux qui ne partagent pas ces valeurs humanistes. Des mots tels qu’ « endoctrinement » sont intolérables et auraient mérité une condamnation ferme de la part du ministre.
Au contraire, par ses positions répétées contre le « wokisme » qui a remplacé l’ennemi « islamo-gauchiste », passé de mode, le ministre entend « gagner la bataille des idées ». Récemment, prenant position contre l’introduction du pronom inclusif « iel » dans le Robert, le ministre se croit capable d’affirmer de manière dogmatique quel est « l’avenir de la langue française » et d’imposer sa vision aux personnels de l’Éducation Nationale. Cet autoritarisme n’a rien de neuf, puisque déjà en 2021, une circulaire entendait affaiblir l’usage de « l’écriture inclusive » dans l’éducation nationale en proscrivant l'emploi de certaines graphies. En décidant de la manière dont les enseignant·e·s devraient écrire et s’exprimer, le ministre dépasse largement le cadre de ses compétences et empiète sur la liberté pédagogique de chacun·e. Ces positions réactionnaires qui méconnaissent largement les enjeux du débat sont des postures destinées à fragiliser la légitimité des personnels et à créer dans l’opinion publique un sentiment de défiance vis-à-vis de l’enseignement public.
La lutte contre le racisme, l’homophobie, le sexisme, ou toute forme de discrimination sont des principes non négociables et nous affirmons notre droit à interroger, dans la cadre de notre mission d’enseignant·e, tout rapport de domination. Les intimidations d’extrêmes droites, même relayées par le ministre, ne doivent pas nous priver de cette liberté fondamentale.